Saturday 12 March 2016

Profitez de chaque moment

Découvrez le plaisir
d'être, tout simplement.
Traduit par André Valiquette
Lire la version originale en anglais ici.

“Le secret du Tango se trouve dans cet instant d’improvisation qui se produit entre un pas et l’autre. C’est rendre possible l’impossible, danser le silence.”
-Carlos Gavito

Je crois qu’on peut dire sans craindre de se tromper que ceux qui tiennent bon quelques mois à titre de débutants dans les classes de tango y arrivent parce qu’ils trouvent cela agréable. Ils aiment probablement la musique; ils apprécient sans doute le contact humain et ils sont presque certainement passionnés par la danse elle-même. Mais pendant cet apprentissage du tango, il peut s’écouler pas mal de temps avant de vraiment en savourer à fond tous les effets.

Quand nous dansons le tango, nous avons besoin d’être complètement présents, d’être alertes non seulement physiquement, mais aussi sur le plan temporel, ce qui signifie de vivre complètement dans l’instant. Ce qui nous amène à discuter de trois aspects :

Laissez le passé derrière vous. Le tango est une danse improvisée. Ce qui veut dire qu’on va forcément faire des erreurs, et plus tôt on le comprendra, mieux on se portera. À partir du moment où un pas ou un mouvement a été complété, il ne peut être repris. Réussi ou pas, prévu ou pas, ce qui est fait est fait, alors ça ne sert à rien de s’en faire, de questionner, de s’excuser, de critiquer ou de corriger. Cela fait partie du défi et du plaisir du tango d’imaginer des solutions qui permettent de surmonter des blocages.

Les leaders qui corrigent leurs partenaires ou qui font des commentaires sur ce qu’elle “devrait faire” montrent qu’ils sont restés collés à leur plan initial, incapables de s’adapter, de bouger et de profiter de ce qui se passe à l’instant. La même remarque s’applique aux leaders qui se laissent souvent contrarier par tous les danseurs autour d’eux, lorsque le caractère aléatoire de tous les mouvements sur le plancher de danse les empêche de faire les mouvements qu’ils avaient prévus. Mais nous savons tous que même les plans les mieux conçus vont souvent de travers… particulièrement sur une piste de tango, alors pourquoi gâcher ce moment dans la frustration?

Les guidées se laissent envahir par leurs doutes et leur insécurité : “ Est-ce que c’était correct?” “Est-ce que c’est ce qu’il voulait?” “Qu’est-ce que je viens de faire?” La réponse à toutes ces questions est : “ça n’a pas la moindre importance”. Encore une fois, ce qui est fait est fait, et il revient aux deux partenaires de l’assumer et de passer à l’étape suivante. C’est ainsi que ça devrait se passer.

Pour plusieurs d’entre nous, renoncer à une intention ou à une incertitude n’est pas chose facile. Mais si nous arrivons à assumer le caractère non prévisible du tango, nous allons accéder à sa signification profonde. La danse va toujours dans des directions inattendues. C’est une conversation entre deux individus qui se déplacent dans l’espace au milieu de douzaines, parfois de centaines d’autres personnes, alors il n’y aura jamais deux danses identiques. C’est pourquoi cette danse centenaire ne prend pas de rides.

Ne vous en faites pas avec le futur. C’est une recommandation qui n’est pas évidente pour les guidées. Parfois, elles s’en font tellement avec ce qui s’en vient qu’elles en oublient ce qui se passe au moment présent et qu’elles anticipent au lieu de suivre. Les leaders qui dansent avec un oeil sur le futur sont portés à oublier d’attendre que leur partenaire complète un mouvement avant de les amener au suivant. Il est vrai que les leaders ont besoin de guider, un pas d’avance, ce qu’ils proposeront ensuite, ce qui donne une chance à leur partenaire de répondre, mais ils doivent tout de même attendre la guidée pour tenir compte de sa réaction et pour initier le prochain mouvement. Cela fait beaucoup à première vue, mais lorsqu’on les réunit, c’est si bon. Et c’est une excellente raison de ne pas se presser.

Vivez maintenant et à fond. Pourquoi s’en faire avec le passé ou le futur quand il y a tant à savourer, là, tout de suite? Au-delà des mouvements recherchés et des figures amusantes, il y a cette sensation douce et rassurante d’un abrazo fort et attentif; il y a cette façon de caresser le plancher avec votre pied d’un pas à l’autre, en dessinant de belles courbes ou des lignes bien exécutées sur le plancher; il y a cette façon dont l’épaule de votre partenaire épouse étroitement la paume de votre main; il y a cette sensation de synchronicité parfaite quand vous savez, avec des jeux de pied tout simples, que la musique vous parle tous les deux exactement de la même façon; il y a les erreurs heureuses et les surprises chanceuses où tout s’emboîte avec magie, créant un embellissement que vous n’auriez pas imaginé ou un nouvel enchaînement que vous ne reproduirez peut-être jamais; il y a ce moment où vous réalisez que la connexion est si profonde, si naturelle, si élevée que vous ne sauriez décrire quel pas vous venez de faire, vous savez seulement que c’est merveilleux…

Une question que je me pose souvent est de comprendre pourquoi tant de leaders ont ce besoin compulsif d’avancer sans arrêt, aussi vite que possible? On tourne en rond sur la piste de danse! Il n’y a pas de fil d’arrivée, alors, pourquoi ne pas profiter du voyage? Pour la guidée, ce n’est pas vraiment gratifiant d’évoluer le long de la ligne de danse ou de reculer en rafale au lieu de s’attarder un peu… alors pourquoi certains leaders ressentent autant d’impatience lorsqu’ils ne peuvent se presser autour de la piste de danse comme une toupie?

Et à ces guideurs qui craignent d’ennuyer leur partenaire s’ils ne proposent pas une large sélection de figures, je dis ceci : tous les leaders ont un répertoire. Que ce répertoire soit composé de simples pas, de transferts de poids et d’ochos cortados ou d’une série complexe de ganchos, wraps et volcadas, ça n’y change rien; tous les leaders ont leur zone de confort avec des figures qu’ils guident aisément et qu’ils utilisent lorsqu’ils évoluent sur une piste de danse bondée. Le fait reste que, aussi surprenantes ou amusantes que soient, la première fois, des séquences créatives de poussées ou d’envolées, ces mouvements impressionnants perdent leur fraîcheur la seconde ou la troisième fois, à mesure qu’ils n’ont plus l’attrait de la nouveauté (sans compter qu’ils sont périlleux sur une piste de danse). Ce qui permet aux danseurs de demeurer attrayants et intéressants est leur capacité de jouer et de danser différemment sur des musiques variées ou de faire les mêmes pas - même les plus simples – en utilisant des rythmes différents. L’attrait pour ce type de danseurs ne faiblit jamais. L’art du tango n’est pas de présenter le plus de matériel possible dans une seule chanson, mais plutôt d’être en connexion avec la musique et son partenaire et de progressivement créer une danse inspirée par cette chanson et cette partenaire. C’est là que vous savourerez chaque moment.

Naturellement, cela prend du temps pour apprendre et apprécier tout cela, de laisser aller le faire et de savourer le plaisir d’être. Pour y arriver, nous devons tout d’abord être à l’aise avec ce que nous avons à faire, par exemple, marcher avec contrôle et clarté, réaliser un abrazo, diriger et suivre, garder le rythme de la musique, et ainsi de suite. Voilà pourquoi des fondements solides ont une telle importance. Si la technique est absente, la connexion ne sera pas au rendez-vous. Mais il peut même y avoir du plaisir à travailler sur la technique; c’est une sensation très agréable de se rendre compte qu’on peut adopter une posture droite et qui nous élève, de sentir qu’on avance avec force et puissance à mesure qu’on améliore notre marche, ou finalement de pivoter avec équilibre et grâce. À partir du moment où la technique et la connexion sont présentes, vous vous rendrez compte que vous n’avez même pas besoin de vous déplacer pour danser, et que vous trouverez parfois davantage de plaisir dans un moment d’arrêt que dans des mouvements impressionnants. Alors, vous pourrez danser le silence, comme l’évoquait le grand, le regretté Carlos Gavito dans la citation au début de cet article.

À la fin d’une danse, je ne me rappelle plus quels pas ou figures j’ai effectués avec mon partenaire, mais comment je me suis sentie avec lui ou elle. Je me rappelle comment je ressentais l’abrazo et comment nous étions en connexion l’un l’autre et avec la musique. Je me rappelle également si je me suis sentie poussée, tirée ou balancée à gauche et à droite, ou mise devant l’obligation de courir après mon partenaire; je peux aussi me rappeler comment j’ai savouré chaque moment de chacun des pas, en partant de l’intensité de l’abrazo jusqu’à la poussée des orteils dans le plancher et à la caresse du pied libre au moment précis où nous le faisons glisser, en connivence avec l’autre et la musique.

Tout comme les musiciens qui marquent le temps avec le rythme, mais qui ajoutent plusieurs couches de mélodie entre chaque temps, donnant à une chanson son caractère distinctif, les danseurs ont avantage à porter plus d’attention à ce qui se passe entre chacun des pas : comment nous tenons notre partenaire, comment nous nous tenons nous-mêmes, comment nous nous déplaçons tout au long de nos pas. Est-ce que nous attendons ou si nous nous déplaçons? Rapidement ou lentement? Avec passion ou engouement? Restons à l’écoute, apprécions cet instant, rendons le conscient. Profitons de chacun de ces moments.

Tuesday 5 January 2016

Développer notre conscience

À partir du moment où vous réaliserez mieux
comment vous bougez, il vous sera plus facile
de faire de légers ajustements qui amélioreront votre
pratique et transposables dans votre vie quotidienne.

Traduit par André Valiquette
Lire la version originale en anglais ici.

Si nous voulons danser le tango, nous devrions savoir ce que nous faisons avec notre corps. Ça peut avoir l’air évident, mais ce n’est pas le cas pour bien du monde.

Souvent, les gens viennent à leur première leçon de tango et sont surpris par le genre de commentaires qu’ils reçoivent à propos de leur façon de danser. Non seulement doivent-ils apprendre des pas et des séquences et le faire en synchronisation avec leurs partenaires, mais encore ils ont à se soucier de choses comme de réunir leurs pieds entre les pas, d’ajuster la longueur de leurs pas, de positionner leurs bras et leurs épaules d’une certaine façon, de tourner le torse dans une direction ou une autre, de regarder dans une certaine direction, et ainsi de suite. Cela peut paraître assez déroutant pour ceux qui n’ont pas l’habitude de se déplacer en tenant compte de ce type de paramètres. Les étudiants peuvent facilement tomber sur la défensive devant les commentaires du professeur (“Comment peut-elle savoir si je pousse dans le plancher… et quelle importance ça peut bien avoir, de toute façon?”), et se sentir frustrés devant ce qu’ils perçoivent comme étant des critiques de ce qu’ils “font mal”. Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’objectif des corrections n’est pas (ou ne devrait pas être) de critiquer l’étudiant ou de s’attendre à ce qu’il fasse tout parfaitement au prochain essai; il s’agit plutôt de construire petit à petit une conscience de sa façon de bouger et de l’aider à s’ajuster et à améliorer ses mouvements.

À l’exception de danses très techniques comme le ballet classique ou la danse contemporaine, beaucoup de gens commencent le tango (et d’autres danses sociales) à l’âge adulte, plusieurs dans la cinquantaine et au-delà, et pas mal d’entre eux sans expérience de la danse ou de disciplines connexes. Le tango exerce un attrait sur beaucoup d’intellectuels et de professionnels, des gens qui passent une partie de leur vie dans des jeux de l’esprit plutôt que physiques; en d’autres mots, des gens qui n’habitent pas complètement leur corps.

Bien sûr, nous nous servons tous de notre corps quotidiennement. Nous savons que nous marchons en mettant un pied devant l’autre, mais peut-être que nous n’avons jamais pensé à la façon dont nous plaçons nos pieds sur le plancher, comment ils épousent la surface à chaque pas, si nos orteils doivent être orientés vers l’intérieur ou l’extérieur, si notre poids doit être davantage sur nos talons ou nos orteils, sur la face intérieure ou extérieure de nos pieds…

Une situation fréquente qui se présente avec des étudiants est cette propension à orienter leurs orteils vers l’intérieur lorsqu’ils marchent. Je peux leur dire 20 fois de rapprocher leurs talons, d’aligner les orteils vers l’extérieur ou de garder le gros orteil sur le plancher, mais mes corrections ne sont pas vraiment comprises si l’étudiant ne sait tout simplement pas que ses orteils sont, dans les faits, tournés vers l’intérieur. Je vois que c’est ce qui se passe quand mes commentaires sont reçus avec un air de confusion ou de perplexité. Alors, ce que je dois faire est d’immobiliser l’étudiant, à mi-chemin de compléter un mouvement, et de l’amener à regarder à terre la position de ses pieds, qu’il peut très bien ressentir comme une position tout à fait naturelle et correcte dans la mesure où c’est comme cela qu’il a toujours marché. À partir du moment où il a saisi le changement de position qu’il doit apporter, je l’amène à fermer les yeux et à ressentir l’ancienne et la nouvelle position. Ce n’est qu’en mesurant cette différence qu’il peut s’encourager à transformer sa position.

J’ai déjà travaillé avec un professeur qui était convaincu qu’il n’était pas utile de décortiquer et d’expliquer les techniques des mouvements. Il croyait qu’on pouvait se contenter d’enseigner les pas et les séquences et que, si les étudiants répétaient ces pas assez souvent, leur corps finirait par s’adapter et parviendrait à les exécuter correctement.

En fait, cette méthode peut fonctionner avec des danseurs plus expérimentés et avec ceux qui ont instinctivement cette familiarité avec leur corps et une habileté naturelle à reproduire un mouvement parce qu’ils saisissent d’un regard l’essence du mouvement, mais ces gens ne sont pas nombreux dans le monde du tango. Cette méthode ne marche pas pour ceux qui ne connaissent pas au départ la mécanique de leurs mouvements, ce qui est le cas, rappelons-le, d’un bon pourcentage des étudiants de tango.

À partir du moment où vous réaliserez mieux comment vous bougez et comment vous essayez de vous y prendre, il vous sera plus facile de faire de légers ajustements qui amélioreront votre pratique et transposables dans votre vie quotidienne. Par exemple, si vous avez tendance à faire le dos rond et à courber les épaules, entraîner votre corps à se tenir plus droit et à garder les épaules baissées renforcera vos muscles dorsaux, vous donnant une meilleure posture; et cela, pas seulement sur le plancher de danse, mais dans vos activités de tous les jours.

Si nous saisissons que l’important n’est pas la fin du parcours, mais le travail que nous entreprenons, nous pouvons éliminer pas mal de frustrations et de sentiment d’impatience qui surgissent dans ce travail sans fin d’apprentissage.

Les danseurs de tango social (à la différence des professeurs ou des danseurs de tango de spectacle) n’ont pas besoin d’être préoccupés par une exécution parfaite ou par l’effet esthétique de chacun de leurs mouvements. La bonne nouvelle est que même si la plupart d’entre nous n’avons pas à nous soucier vraiment de l’aspect visuel de notre danse, si nous travaillons notre technique sur le plan fonctionnel, en fin de compte, nous créerons un résultat esthétique plus intéressant.

Progresser en tango n’implique pas d’atteindre la perfection, mais de développer notre conscience. Ce n’est pas de tout faire bien à chaque fois, mais de savoir ce que l’on devrait ressentir lorsqu’on le fait bien, et de chercher à recréer cette sensation naturellement.

Alors cette conscience concerne davantage la sensation que la pensée. Nous pouvons toujours comprendre intellectuellement comment un mouvement ou une position devrait se mettre en place, mais c’est un défi différent pour le corps de vraiment l’exécuter, et ensuite le corps a besoin de le répéter encore et encore jusqu’à ce que la nouvelle façon de bouger devienne naturelle et qu’on n’ait même plus à y penser.

Il y a des gens, ceux que j’appelle les “faiseurs”, qui apprennent les mouvements corporellement en premier, en les faisant, et ensuite ils les analysent, les déconstruisent, les comprennent et les mémorisent. D’autres gens, appelons-les les “penseurs”, ont besoin de comprendre un mouvement dans leur tête dans un premier temps et ensuite de “l’enseigner” à leur corps. Les “faiseurs” auront peut être plus de facilité à apprendre le tango, parce qu’ils ont une conscience corporelle innée et qu’ils font les choses instinctivement dès le départ. Mais les “penseurs” vont y parvenir aussi; cela prendra seulement un peu plus de temps, en particulier dans les débuts, lorsqu’ils commencent tout juste à développer cette conscience.

Continuons avec les bonnes nouvelles : la pratique ne nous entraîne pas seulement à apprendre la danse, elle nous apprend à apprendre, de sorte qu’à mesure que croît la familiarité avec nos mouvements corporels, nous apprenons vraiment plus vite et plus facilement. Pour accompagner ce processus, nous pouvons nous rendre attentifs à simplement remarquer comment notre corps ressent les mouvements que nous exécutons – sur le plancher de danse et à d’autres moments – et ensuite essayer de reproduire ces sensations chaque fois que c’est possible.

Bien sûr, dans le tango, nous n’avons pas seulement besoin de connaître nos propres mouvements, mais aussi ceux de nos partenaires. Cela est vrai tant pour les guideurs que les guidées. Pour les guideurs, ce peut être utile de retenir qu’être conscient des réactions de leur partenaire passe en fait avant tout. L’erreur que font plusieurs guideurs est d’essayer trop fort de contrôler les mouvements de leurs partenaires plutôt que de simplement porter attention à leurs gestes et à leurs réactions et d’y donner suite dans la danse. C’est aux guidées d’exécuter leurs propres mouvements et de créer leur propre danse, tout en gardant une conscience claire de la position de leurs partenaires, de ce qu’elles ressentent et de la façon dont leur corps incarne le mouvement.

Nous devons aussi être conscients de l’impact de nos positions et de nos mouvements sur nos partenaires. Est-ce que mon abrazo la pousse ou la tire hors de son axe? Est-ce que la position de ma tête pourrait causer un inconfort? Est-ce que mes pas sont si longs que je suis difficile à accompagner? À partir du moment où nous nous en rendons compte, nous pouvons commencer à nous ajuster.

Et ensuite, bien sûr, nous pouvons garder une partie de notre éveil envers ce qui se passe autour de nous et pour l’effet que nous avons sur les autres danseurs. Si nous sommes conscients, nous plus attentifs à la circulation sur la piste de danse. Les danseurs qui ignorent les autres sont dangereux pour les autres.

La perfection en tango (ou dans quoi que ce soit) est inatteignable, alors ce n’est pas la peine de la rechercher ou de se sentir frustré de ne pas l’atteindre. Et nous devons connaître et respecter nos limites. Si nous commençons le tango à l’âge de 70 ans, il est possible que nous ne progressions pas aussi rapidement ou allions aussi loin qu’une personne qui a commencé à l’âge de 25. Si nous ne sommes pas dotés d’une flexibilité naturelle, nos boleos pourraient ne pas être aussi impressionnants que ceux d’une fille qui danse le ballet depuis son tout jeune âge et qui peut faire de grands écarts sans effort. Nous devrons faire des ajustements particuliers si nous sommes très grands ou très courts de taille, ou si nous avons des blessures persistantes. Mais nous pouvons tous nous améliorer et nous finirons par en savoir assez pour, au minimum, bien nous tenir sur le plancher de danse. Nous avons seulement besoin de patience, de désir d’y arriver et, par-dessus tout, de conscience.

Postscriptum. Le jour où j’ai terminé la rédaction de ce blogue, une danseuse est venue me confier une nouvelle expérience : elle était sortie danser la nuit précédente et pour la première fois, elle s’était sentie capable de s’abandonner à la danse tout en restant alerte sur sa posture et sa technique. Elle m’a rapporté cela, car j’étais intervenue à ce sujet dans une classe plus tôt la même semaine en mentionnant spécifiquement, je crois, comment se servir des muscles du dos pour allonger sa posture tout en faisant retomber les épaules. Elle me disait avoir ressenti qu’elle avait atteint un nouveau palier dans sa pratique de la danse et que cela “concernait vraiment la conscience corporelle”. C’est bien le cas, ai-je répondu, tout en lui promettant que j’intégrerais ses commentaires dans mon prochain blogue!

Voici quelques moyens d’accroître votre conscience corporelle :

Yoga, Pilates ou Tai Chi. Le yoga est mon complément préféré pour le tango et prend une place toujours plus importante dans ma vie, mais toutes les disciplines "corps et esprit" augmentent la force, l’équilibre, la souplesse et par-dessus tout, la conscience corporelle. Au même titre que le tango, le yoga n’est pas, ou ne devrait pas être, orienté vers ce qui est “correct” ou “incorrect” ou inciter à atteindre la version maximale de chaque pose; son atout est d’éveiller une meilleure familiarité corporelle et de travailler avec son corps pour améliorer tous les aspects mentionnés.

Les leçons privées. L’enseignement personnalisé a une valeur inestimable. Un bon professeur vous donnera une rétroaction dont vous pourrez profiter et des techniques que vous pourrez pratiquer par vous-même. Quand vous prenez des leçons et recevez une rétroaction de vos professeurs, en particulier quand vous entendez les mêmes remarques régulièrement, apprenez à vous analyser et à vous conseiller comme le fait votre professeur. Essayez de ne pas vous placer sur la défensive ou de vous décourager et soyez plutôt votre propre conseiller, en révisant votre posture pour vérifier si vos épaules sont relevées, vos hanches sont en avant ou vos genoux trop tendus. Les professeurs répètent les mêmes observations, non dans le but de vous contrarier, mais parce que cette répétition est essentielle pour modifier les habitudes de toute une vie. Vous-mêmes pouvez prendre en main votre éducation corporelle par la méthode des exercices répétés.

Se filmer.
C’est dur pour l’ego, mais se regarder danser est une excellente façon de réaliser la façon dont on bouge vraiment et ce dont on a le plus besoin ou ce sur quoi on choisira de travailler.

Pratique quotidienne. Vous n’avez pas à danser le tango chaque jour (mais ça ne serait pas une mauvaise idée) mais rester simplement attentifs à votre mécanique corporelle et ensuite aux légers ajustements de posture et de mouvements dans votre train-train quotidien; cela vous aidera à mettre de nouvelles habitudes en place. Remarquez comment vous vous tenez quand vous vous brossez les dents, préparez le souper ou attendez votre tour à la banque. À partir du moment où vous devenez conscients de vos faiblesses et des mouvements ou enchaînements que vous voulez travailler et ce à quoi cela devrait ressembler, vous entamez un processus de réflexion et d’amélioration continue, que ce soit une ou cent fois par jour. Avec le temps, les nouvelles habitudes remplaceront les anciennes et vous prendrez de la vitesse pour vous corriger et vous ajuster par vous-mêmes, souvent sans vraiment y accorder beaucoup d’attention. Vous apprendrez à danser et à vivre avec conscience toujours plus élevée de votre posture et de vos positions corporelles.